Peut-on exister sans les
autres?
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*Est-ce possible ? Réalisable
/ contradictoire avec le statut d’homme (animal politique, animal,culturel).
* Mais d’un autre côté, ne serait-ce pas notre condition ?
La compassion affective et la participation des autres à nos entreprises sont
loin d'être assurées : « On vit et meurt seul », individualisme,
anonymat des grandes villes, incommunicabilité des consciences.
*D’autre part, y a-t-il des contextes où un individu ne donne toute sa mesure qu’en éludant les autres et leurs attentes ? Quel type d’égoïsme pourrait-il être moralement admissible ?
*Mais s’il faut penser que l'homme ne peut se développer qu’entouré de ses semblables, cela n’implique-t-il pas des dépendances, des dettes, des obligations ?
Le terme peut prendre différentes connotations :
*Vivre : subsister / « bien vivre » selon la nuance opérée par Aristote ; ce qui suppose une forme de confort matériel et une sophistication des goûts qui impliquent la spécialisation et la coopération entre les hommes.
*Exister au sens sartrien : le terme ne devrait être utilisé que pour les consciences. Les choses sont,les personnes existent, c’est à dire débordent toujours leurs manifestations. Elles ne sont pas définissables parce qu’elles ne sont rien de définitif. En tant que liberté, le sujet est ses propres possibilités, c’est dire qu’il est « projet » : il est ce qu’il n’est pas ( encore) et il n’est pas (réductible à) ce qu’il est (actuellement). D'où la formule de Sartre, dans L’être et le néant Page 287 NRF Gallimard.
Une personne se pose dans l’être par chacun de ses choix et a besoin d'être reconnue dans ses possibles, le regard de l’autre lui donne consistance, la fait exister mais en la réduisant aux seules manifestations d’elle-même perçues par l’autre (et du point de vue de l’autre). La conscience aspire à être reconnue mais est essentiellement inapte à l’objectivation.
Cette reconnaissance n'implique-t-elle pas toujours les autres, le regard de l'autre, la conscience de l'autre. Mais d’un autre côté les autres ne peuvent-ils pas être des obstacles à notre existence tout en étant nécessaires à notre reconnaissance?
Ne déploierait-on pas mieux ses possibles sans les autres? Est-ce un leurre que de le penser? Que serait notre liberté sans les autres, sans celle des autres?
La question a donc une portée politique et morale en plus de sa portée ontologique et phénoménologie.
L’homme, animal culturel, porte la présence de l’autre au cœur de lui-même.
a)L’aliénation amoureuse cf. La place royale de Corneille | |
b)La solitude des créateurs ;
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c)Le rapport aux autres dans les arts d’exhibition
et de production
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III LE DRAME DE L’EXISTENCE COLLECTIVE : LES AUTRES NOUS SONT AUSSI INDISPENSABLES QU’INSUPPORTABLES
-a) l’analyse phénoménologique de la rencontre des consciences
(Hegel/ Sartre) ;
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1)L’autarcie n’est pas possible individuellement ; | |
2)Mais la coexistence impose de nombreuses concessions
à l’égoïsme :
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Le paradoxe de l’insociable sociabilité( Kant) |
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-c) une solution : le microcosme
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Introduction problématique : Un homme ne développe les facultés caractéristiques de
son espèce qu’au contact de ses semblables, L’homme a besoin des autres
pour exister comme homme, ce que prouve a contrario les cas d’enfants
sauvages. Toutefois les autres agissent souvent comme des obstacles à
la réalisation de soi. Le salut ne serait-il pas dans la fuite et la solitude ?
Mais la solitude prolongée n’a-t-elle pas des effets régressifs ?
La question se pose donc « l’homme peut-il exister sans les autres ? » L’analyse conduira à distinguer différents sens de l’existence : de la subsistance à l’objectivation de soi. |
MA LANGUE EST L’ HERITAGE DES AUTRES
La phénoménologie a montré comment ce doute était intenable. D'abord il ne pourrait même pas être formulé si effectivement j'étais seul au monde ; car, pour parler, il faut disposer d'une langue et donc être immergé dans un univers linguistique sédimenté par des millénaires de parole humaine ; la parole, la langue, manifestent au cœur de moi-même la présence des autres, mon immersion dans le monde des hommes.
LA LECON DES ENFANTS SAUVAGES
Les cas, extrêmement rares, d'enfants sauvages le prouvent aussi : un enfant abandonné à lui-même ne développe pas d'aptitude à la parole, pas plus qu'il ne se redresse spontanément ou ne manipule d'outils ; même le désir, la libido semble gelée. L'homme naît inachevé ; son plein développement suppose la présence de ses semblables, il ne peut sans la présence des autres , exister pleinement comme homme. Lucien Malson étudiant le cas des enfants sauvages parle de « bêtes dérisoires » et de « moindres animaux ».
ROBINSONNADES ET AUTRES FICTIONS
Cette présence indispensable de l'homme à l'homme pour qu'il y ait homme au sens plein du terme, Rousseau l'avait pressentie lorsque au début du Discours sur les origines des inégalités il décrit sa vision de l'état de nature. Il prend soin d’ôter à l'homme toutes les qualités que le contact des autres développe en lui. Finalement Rousseau dresse le portrait d'un animal réduit au « seul sentiment de son existence actuelle », sans mémoire ni capacité d'anticipation : cet homme se sent exister mais n'a pas, au sens propre, conscience de lui-même, il n'est pas encore capable du retour sur soi qui fera de lui un animal intelligent. Rousseau oppose ainsi l’homme de l’état de nature à ce qu’il appelle « l’homme de l’homme » c’est à dire tel que le contact de ses semblables l’a transformé.
Marx dans L'introduction à la critique de l'économie politique critique comme autant d'absurdes « robinsonnades » toutes les théories qui pensent l'origine de la production à partir de chasseurs et de pécheurs isolés." La production réalisée en dehors de la société par l'individu isolé - fait exceptionnel qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasard dans un lieu désert - est chose aussi absurde que le serait le développement du langage sans la présence d'individus vivant et parlant ensemble. "
« UN HOMME SEUL EST TOUJOURS EN MAUVAISE COMPAGNIE » Valéry , L’idée fixe
Des expériences littéraires et humaines ont montré comment l'absence prolongée de contacts avec les autres est facteur de régression mentale chez l’individu déjà formé. D’ailleurs l’existence de tortures psychiques par l’isolement le prouve.
Au début de La nausée, Antoine Roquentin note qu’à force de refuser le contact des autres, il sent qu'il perd son éloquence. Certes il continue à écrire, mais l’écriture est parole différée, parole gelée, communication faillée par l'absence : celui qui lira n'est pas présent au moment de l'écriture et celui qui écrit ne sera plus présent au moment de la lecture. Aucun échange direct n’est possible ; l'esprit d'à propos, la vivacité mentale ne se développent qu’au contact immédiat des hommes.
À mesure qu’Antoine Roquentin s'enferme dans son malaise existentiel ; il sent qu'il perd l'usage « babil » de la parole « il ne saurait plus raconter des histoires.... se raconter… " ; il semble qu'il se perde.
Michel Tournier dans la première partie de Vendredi ou les limbes du Pacifique, va plus loin dans l’analyse des effets régressifs impliqués par le prolongement de la solitude. Il montre comment s’opère un rétrécissement du champ de conscience : la pensée sans l’intervention d’autrui devient « mono thématique » c’est ainsi que Robinson, obsédé par l’idée de construire un bateau, omet de s’interroger sur les moyens d’assurer sa mise à flots. L’absence d’autrui enfermant l’individu dans sa propre conscience induit des confusions entre le rêve et la réalité. (p.55). La folie menace : Robinson aperçoit sur un bateau longeant la côte, une jeune fille qu’il identifie plus tard comme étant sa sœur morte il y a vingt ans (p.42). L’absence d’échange verbal produit non seulement un appauvrissement du vocabulaire mais aussi une perte de la capacité d’abstraction(p.68).
AUTRUI OU LA NECESSITE D’IMPROVISER
Pour tâcher de remédier à cette altération mentale, Robinson se force à tenir un journal. Il va plus loin ; il veut compenser, par sa propre activité, le déficit des autres. Il jouera tour à tour tous les rôles nécessaires au fonctionnement d'une société humaine. Il sera paysan, potier, boulanger, administrateur, juge : il s'épuise à la tâche, deviendra son propre patron, son propre gendarme (il prévoit même une fosse ).
UTOPIE : ATTENTION DANGER !