Alien, le huitième passager (1979)  Ridley Scott

Alien 

Etymologie : alienare : rendre étranger, rendre autre ; dérivé d’alienus : autre,  lui-même dérivé d’alias ( alibi) : ailleurs .

Autrui, comme  le  « x  » dans une équation, l’inconnue.

Dès que l’on étudie autrui, on rappelle qu’il est autre que soi. Autre et autrui sont des termes qui appartiennent à la même famille, ils ont en commun le même radicale.

Mais le véritable autre c’est l’alien, le horla , et non pas autrui.

Les aliens existent-ils ? Là n’est pas la question...

 On peut toutefois faire deux remarques :

1)L’humanité dépense des milliards dans l’espoir de rencontrer des traces de vie dans l’univers et serait sans doute, terriblement effrayée d’en découvrir des manifestations intelligentes : 

- soit  de peur que les aliens ne nous considèrent comme des proies :
- soit  par crainte  que notre propre dysharmonie et notre  avidité nous condamnent aux yeux d’une forme d’intelligence plus développée.

 2) Même si on pense que les aliens sont générés par l’imagination et les angoisses humaines, il demeure  qu’ils représentent un pôle de  signification.  Nous vous recommandons à ce propos : Viva  la vie de Claude Lelouch….

Quand on réfléchit sur autrui c’est peut-être aussi sur ce fond d’étrangeté que représente l’alien qu’il faut le penser.

En quoi l’altérité d’autrui se distingue-t-elle de l’altérité de l’alien ?

Face à l’inconnu de l’alien, le sujet qui craint sa présence développe une méfiance absolue. L’alien incarnant la puissance de l’inconnu, est par définition capable de tout ce qui peut surprendre ma vigilance. J’investis alien de la capacité de faire tout ce que moi sujet humain je ne peux ni faire ni même envisager comme possible. La terreur est maximale, je pressens que tous les objets de monde ; les ustensiles derrière  lesquels je pourrais m’abriter peuvent être abolis comme protection et détournés à mes dépens par la puissance de l'alien. Telle est la peur de l’inconnu dans sa plus totale expression. Par cette panique, les scènes d’intérieur les plus banales s’imprègnent de potentialité terrifiante. C’est le moteur du suspens !Tout semble normal : par où la «  chose » va-t-elle surgir ?

Face à cette peur de l’inconnu radical de l'alien, les relations intersubjectives semblent d’abord rassurantes parce que balisées. La peur d’autrui est une peur déterminée, strictement canalisée par l’anticipation de comportements humains que l’on sait possibles. La peur d’autrui est peur d’être méprisé, trahi, ridiculisé, abandonné, peur d’être torturé, mutilé, objet d’une manipulation sadique, peut-être aussi peur du meurtre gratuit.

On sait, d’avance, de façon abstraite et théorique,  ce qu’on peut craindre des hommes  en général (ou espérer d’eux)  d’où l’impression de banalité, et de triste prévisibilité  des affaires du monde, du moins  pour un regard extérieur, c’est à dire désintéressé  (entendez le retrait, le recul critique signifié par le terme «  des- inter -esse »  c’est à dire justement retiré des relations qui nous mêlent aux autres et qui nous aveuglent dans et par cette proximité.

L'Ours amateur des jardins, J.B.Ourdy pour Larousse

Sans l’aveuglement de la proximité, il n’y aurait jamais de trahison ni de désillusion. Je n’aurai pas été trahi si j’étais resté sur mes gardes : « On n’est jamais trahi que par ses amis ».

* Pour l’observateur étranger (le moraliste à sa table de travail) les comportements sont prévisibles « nihil novi sub sole » :Il y a des ambitieux  et des cyniques, des amoureux transis, des coquettes et de galants. Il y a des gagnants et des perdants, des traîtres et des trahis C’est  un des leit motiv de la littérature de Cour au XVIème ET XVIIème.

 *Pour l’individu pris dans les relations : les intentions véritables d’autrui sont toujours inconnues «  il faudrait des sous -titres » C’est du moins l’évidence de Lelouch dans Hasards et coïncidence. C’est aussi la leçon d’un road movie de Sophie Calle  No sex last night où deux quasi-inconnus décident de traverser ensemble les Etats Unis d’est en ouest en filmant chacun la traversée et en restant  totalement libre du discours en voix Off. La confrontation des deux films prouve l’ hiatus qui sépare souvent ce qui est dit de ce qui est ressenti, pensé, vécu.