L'enfant sauvage de François Truffaut

Les enfants sauvages  de Lucien Malson

Le film de François Truffaut: "L'enfant sauvage" (1969) raconte l'histoire de Victor de L'Aveyron rapporté par le docteur Jean Itard (interprété par François Truffaut).

Lucien Malson  recense et étudie les différents cas d’enfants qui ont survécu en situation d’extrême isolement et conclut que : 

Le rapport à l’autre n’est pas le même chez l’homme et chez les autres animaux

Même si les éthologues notent des phénomènes d’apprentissage chez les animaux qui ont les  systèmes nerveux les plus développés et des  phénomènes de suggestion de groupe chez les animaux inférieurs, il n’empêche que lors qu’un individu d’une espèce animale est séparé précocement de ses congénères, il  manifeste malgré tout des caractéristiques assez précises de son espèce. Il y a chez les animaux des schémas comportementaux endogènes. On peut en ce cas parler d’instinct.  Il y a chez les animaux un  « a priori » de l’espèce, dont chaque animal exprime la force directrice de manière significative même quand il grandit et survit seul.

 Chez les animaux, et même chez les espèces vivant en groupe, le contact des autres n’est pas essentiel au point que leur absence entraverait le développement normal de l’individu isolé.

 C’est du moins la thèse de Malson en 1964. La tendance contemporaine (S. J. Gould  ,L’éventail du vivant) est d’éviter de parler univoquement de l’animal : il y a des animaux aux structures rudimentaires qui sont dès leur naissance tout ce qu’ils seront. Plus le système nerveux et cérébral  se complexifie, plus il y a de possibilités  d’imitation et d’apprentissage. Toutefois il  demeure que l’homme est une espèce singulière : l’homme naît véritablement inachevé, les connexions cérébrales continuent à se former pendant les premières années de la vie de l’enfant. Elles dépendent donc des sollicitations de l’entourage, donc des autres ; c’est ainsi que l’enfant apprend à parler, développe des capacités de représentation et d’abstraction.

Donc, dans le cas de l’homme, la présence ou l ‘absence des autres a toujours un impact déterminant comme le prouve le cas des  « enfants sauvages ».

La leçon d'anatomie du docteur Johan  Deyman ; Rambrant (1606-1669) Amsterdam Rijksmuseum Il faut d’abord préciser que sur le nombre d‘enfants qui ont dû être perdus ou abandonnés, on n’a recensé depuis le XIV siècle et sur toute la planète seulement 52 cas d’individus ayant survécu en situation d’extrême isolement. 
Ces enfants montrent tous les mêmes déficits :
  1)Ils ne se sont pas redressés ; ils marchent et courent inclinés en avant, les membres antérieurs servant encore en partie à la locomotion ;
  2) Ils ne parlent pas, ne développent pas de langage articulé ni de pensée symbolique (capacité  intimement liée au langage) ;
  3)Des expériences montrent  qu’ils distinguent mal les reliefs des aplats et confondent les choses et les images des choses ;
  4)Placés devant un miroir, ils ne se reconnaissent pas
  5)Ils ne développent pas d’habileté technique, même rudimentaire. La main ne sait pas saisir ni manipuler avec dextérité les objets ;
  6)Leur visage ne manifeste aucune expressivité.
  7)Quand ces individus sont en âge de se reproduire ils ne montrent aucune appétence sexuelle pour les partenaires complaisants qu’on leur propose. Pour que se développe le désir, il faut grandir  au milieu du désir des autres.
La façon dont vous  l'entendez est la façon dont vous le chantez;Jean Steen (1626-1679) Rijksmuseum

Il faut donc conclure que chaque homme est constitué par la présence des autres puisque aucun homme ne développe les facultés caractéristiques de son espèce sans le contact de ses semblables.

  Ni le langage, ni la libido, ni la technique, ni la station droite ne sont naturels en l’homme. L’homme est cet animal étrange qui a besoin  du contact de ses semblables pour réaliser sa nature

Lucien Malson conclut ainsi que l’homme n’a pas de nature au sens propre ; il est une histoire, il est ce qu’il devient au contact des autres.

Il n’y a pas d’hérédité comportementale chez l’homme. Il y a une part d’inachèvement compensée par une capacité d’imitation : une génération  éduque l’autre.

   Cela  soulève toute une série de remarques :
1)  Le paradoxe de l’origine. Il fallait qu’il y ait déjà des hommes pour qu’il y ait des hommes… « On peut penser qu’une société de mutants a bénéficié d’une situation protohumaine… »
2) La dépendance vis -à -vis de la culture originaire et le risque évident de préjugés ethnocentriques
3) la dépendance vis -à -vis du milieu  familial et  social. Ce n’est pas à cause d’une hérédité psychologique qu’il y a des familles de gens « doués » et des familles de  « tarés » mais à cause du comportement reçu en modèle par l’enfant. Si la mère est idiote, elle offre un tel  modèle  à l’enfant qui la côtoie. Une famille est un milieu éducatif qui a des effets déterminants sur la stimulation ou non  des capacités de l’enfant.

Lucien Malson cite la descendance d’un certain Max Jukes, New Yorkais du XVIII ème siècle ivrogne et vagabond.

 En 1915, on recense descendants,

Nombre de descendants

2094

dont,                             assassins

7

délinquants

140

prostituées

300

mendiants

310

total des marginaux

757

  Toutefois,  si on fait le total des descendants auquel on soustrait le total des marginaux : on obtient tout de même 1337 braves gens !