Uncle Sam
Scénario de Steve Darnall
Dessins d'Alex Ross


Traduction : Alexis Nikolavitch
Lettrage : Studio Vianney Jalin
Conception graphique : Hervé Graizon

Crédits :
1997-1999-2001 DC Comics
2001 Semic SA (version française)

Collection Semic Books
45 rue Broca 75 005 Paris

 

En images : les dessous de l'Histoire américaine... La déconstruction du mythe américain opérée par L'Oncle Sam en personne qui doit combattre sa contrefaçon sous la forme d'un géant cynique assis sur un trône télévisuel et fumant des dollars qu'il écrase sur la coupole du Capitole. Le message est puissant, bien avant les événements du 11 septembre S. Darnall et A. Ross jetaient un beau pavé dans la vitrine hypocrite du mythe américain.

L'art, la logique émotionnelle de création des images a souvent un temps d'avance sur le monde des faits, l'artiste rend visible les tendances émergentes avant que la politique et le concept se les approprient. Depuis Hegel c'est un lieu commun philosophique que d'avouer l'antériorité de la représentation sur l'intellection et Régis Debray, dans Vie et mort de l'image a des mots éloquents pour préciser ce phénomène d'anticipation du figuratif sur l'événementiel.


La b.d. s'ouvre sur la salle des urgences d'un quelconque hôpital d'une grande ville américaine ( Godard ajouterait " de quelle Amérique… ? ")
Les dialogues s'entrecoupent sur fond de misère sociale et de scandales politiques : " les gens ont le droit de savoir si leur président est un escroc !". Dès la seconde page nous découvrons, l'immense figure de l'Oncle Sam soutenue par deux infirmiers "black" (effet stupéfiant de la contre-plongée). Son costume est en loque et le vieillard délire sur le thème de la puissance des États-Unis : " J'ai passé une loi qui rend la Russie illégale à jamais ". Mais ses phobies sont archaïques : " Vous ne pouvez pas me sortir… il y a un ours dans les bois " [l'Ours étant traditionnellement le symbole de la Russie dans les caricatures politiques du XIXème siècle.]
Nous retrouvons ensuite le vieux fou dans la rue, il poursuit son monologue où se mêlent les souvenirs des moments les plus sanglants de l'Histoire de l'Amérique. A l'arrière plan, prostitution et violence urbaine campent le quotidien.

 

A la page suivante, marées noires, malformations génétiques induites par les pesticides, bavures policières, répressions sécuritaires et haine sociale
découpent
la carte des États-Unis d'Amérique.

 

Le vieil Oncle Sam a faim ; ce qui donne lieu à quelques réflexions critiques sur la récurrence de la pauvreté, la mal-bouffe généralisée et la relativité des modes alimentaires : " Une cigarette après chaque repas pour aider la digestion "disait-on dans les années 60.

C'est alors qu'intervient la première rupture de temporalité. Sous forme quasi hallucinatoire nous assistons à une conversation d'un autre âge, à l'aube de la Guerre de Sécession. D'emblée les intérêts économiques des riches propriétaires apparaissent comme les véritables déterminants de la Guerre d'Indépendance mais le mythe de la lutte contre l'esclavage et la promesse d'un monde plus juste enflamme le cœur de Sam.


Plus loin, un second flash nous transporte dans la voiture de John Kennedy juste au moment de son attentat : " Croyez-vous vraiment que deux hommes puissent être touchés sept fois par deux balles.. ; et que dix huit témoins puissent mourir en trois ans ? "

A tour de rôle tous les scandales, toutes les hypocrisies, toutes les mystifications institutionnelles sont dénoncées :

"Quand tu dois conquérir pour devenir une puissance mondiale, Tu deviens un tyran comme celui contre qui tu t'es rebellé"

 

"Crois-tu être le seul symbole qui devait représenter une cause et qui a été perverti en quelque chose d'autre ? "

 

 

L'album de S. Darnal et A. Ross, paru en Février 2001, enfonce les clous et avoue les dérives sans jamais virer dans le cynisme nihiliste, au contraire leur démystification est pleine d'espoir ! La Grande Angleterre Impériale avoue ses errances, Marianne, comme l'Ours russe, sont des symboles de la liberté devenus impuissants : ce sont des rêves. Pour ces deux artistes quand l'Histoire se fourvoie ce n'est pas la faute du rêve mais des rêveurs et de ceux qui exploitent cyniquement la naïveté et la lâcheté des rêveurs :

" le seul moyen de savoir comment la liberté fonctionne est d'y travailler..."

 

 

FESTIVAL D'ANGOULEME 2002
Uncle Sam est nominé pour le Prix Alph-Art du meilleur album de l'année.

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