BLACKSAD,
Quelque part entre les ombres…
Scénario : Juan Diaz Canales
Dessin : Juanjo Guarnido
Editions Dargaud
www.dargaud.fr

 

La Physiognomonie revue et corrigée dans un " polar " racé.

Il en va des hommes comme des animaux ; ou plutôt l'homme aime à repérer dans son semblable l'animal qui résumerait le mieux ses tendances fondamentales et son identité psychologique :
il y a des fouines et des chacals, des couleuvres et des rats, des ours et des chiens de garde au cœur valeureux. Il y a des secrétaires "chameaux" qui sont " rendus chèvres " par les grognements de phoque de leur patron…

Les auteurs de Blacksad retrouvent une intuition aussi vieille que la psychologie, et qui prit, chez Aristote le nom barbare de la physiognomonie : l'art de juger des caractères par l'analyse des traits du visage. L'Allemand J.C. Lavater entendit élever ce type d'interprétation au rang de Science en publiant en 1781 ses Essais sur la Physiognomonie. La Phrénologie ou encore craniologie, qui fut impulsée par les travaux de Gall, médecin allemand (1758-1828), en est une variante ; elle suppose que les caractères, les aptitudes et les facultés mentales sont conditionnés par la conformation externe du crâne. Ainsi Balzac affuble-t-il le Père Goriot de la " bosse de la paternité ". Le zoomorphisme, terme qui apparaît en français en 1800, applique le même principe d'interprétation, mais recherche les tendances animales au sein de l'individu. Le zoomorphisme se rattache à une tradition picturale ancestrale que Charles Le Brun, au XVIIème siècle systématisa, nous présentons une illustration de son travail dans les recettes et poncifs de la caricature.

Sous couvert d'un " polar ", Juan Diaz Canales, le scénariste, et Juanjo Guarnido, le dessinateur, nous offrent un bien beau bestiaire des figures de l'Humanité.…

Un dessin musclé
pour une morale qui fait fi des conventions !

Dans le monde de Blacksad, la virilité, gage de passion, avoue ses faiblesses ; le vrai danger vient d'ailleurs : des êtres au " sang-froid " capables de jouer sur l'émotion des autres pour assouvir leur appétit de domination. Le mal rôde aussi sous des formes subalternes mais non moins redoutables : les hommes de main des puissants rendent terriblement efficaces les machinations de leur maître.

Le monde est plein d'ambitieux, de mauvais perdants et d'êtres sans scrupule. Le drame de la morale n'est-il pas que ce soient toujours les plus scrupuleux qui craignent d'avoir mal agi alors que les plus cyniques ont depuis longtemps étouffé la voix du repentir. " Seules les bonnes gens sont dérangées par une mauvaise conscience. " Hannah Arendt, Considérations Morales page 28 ; Rivages Poche/ Petite Bibliothèque.

Dans un monde où les puissants utilisent les lois pour masquer leurs crimes, que deviendrait la morale sans les dérogations aux lois que la conscience commande ?