Rhinocéros (détail) Pierre Longhi (1702-1785) Venise ,Ca' Rezzornico

Je, Tu,  Il,  Nous, On,

« Moi, Je »: vaine enflure nombriliste
ou
judicieuse revendication « égotiste »

  Le moi  n’ est-il « haïssable » que pour les morales qui culpabilisent  les plaisirs et élans vitaux ?  

 Un simple vivant pourrait-il  s’épanouir et persévérer dans l’être sans l’amour de soi ?

Je-Tu :  

Mais pourrait-il y avoir «  je » sans  « tu » ? Il semble que non… Nous pointons ici trois séries d ‘arguments :

 -Les cas (exceptionnels) d’enfants sauvages  prouvent a contrario que l’épanouissement des potentialités individuelles suppose le rapport à l’autre. Les enfants sauvages  se sentent mais ne se pensent pas comme personnes.

 -L’amour et la reconnaissance des autres ont des effets déterminants sur l’ estime de soi. Freud analyse le Narcissisme comme une intériorisation par l’enfant de l’amour de la mère pour lui.

- et Lévinas montre comment la sujétion à l’autre dans le sentiment de responsabilité me constitue en sujet irremplaçable. Le « je » est un hôte, le sujet est otage.

 

Il 
« Le mot le plus cruel de la langue française »  selon  Roland Barthes ; « Quand deux hommes s’assemblent, il faut qu’un troisième meurt ! »

 

Nous / Ils :

 « Nous » :C’est l’instance du collectif, une communauté se rassemble sur quelques critères  de reconnaissance et rejette de son sein tout le reste de l’humanité.

 La démarche est tellement absurde que les moins fanatiques ne l’assume pas d’où l’émergence du « on »

On:

Le terme est dérivé du latin  « homo » et désigne  une forme impersonnelle et anonyme d’existence alors que le « nous » renvoie à un accord tacite.

 Heidegger précise, dans Etre et temps : le « on » se mêle de tout, mais  en réussissant toujours à se dérober s’il fallait assumer quelque décision. Pire, le « on » peut aisément permettre à chacun de se défausser en endossant toutes les responsabilités collectives, « on est lâche » puisque à travers le  « on » personne n’est jamais précisément interpelable…

Dans le « on » , «  chacun est l’autre, personne n’est soi même ».

Paradoxalement  dans le « on », le  « je »  se perd comme il perd la singularité  de « l ’autre » :  « On fait comme tout le monde ».  La dictature du "on" enferme dans un mode d’existence inauthentique où règnent le conformisme,  l’uniformité et le  nivellement :

  « Surtout de ne pas se singulariser… »

Têtes physiognomoniques ( vers 1671) par  Charles Le Brun  (1619-1690)

 Le monstre   Il effraie et en même temps fascine, dans les foires, on paye pour le voir…

Le monstre est celui qu’on montre du doigt. Il représente une rupture de la loi biologique selon laquelle «  le même engendre le même ». L’anomalie effraie car cet échec de la loi de la reproduction nous touche doublement :

-nous aurions pu naître anormaux ; 
- nous pourrions donner naissance à des êtres physiquement monstrueux…

Le monstre en révélant la précarité à laquelle la vie nous avait habitués, donne une valeur éminente à la « réussite » morphologique. Mais nous devons garder conscience que nous sommes collectivement, en tant qu’espèce, le fruit de mutations millénaires et surtout que le plus monstrueux n’est pas forcément celui qui le paraît…