LA REPRESENTATION
AU SERVICE DE L'HISTOIRE
"Mémoires d'un rat
"
de Pierre Chaine
Interprétation : Alain Stach
Mise en scène : Christine Bussière

Quand la performance de l'acteur est le plus puissant témoignage...

(Nous reproduisons ici un article de Mitzi GERBER pour le Dauphiné Libéré - Vaucluse du vendredi 28 juillet 2000)

Comment la mémoire revient aux hommes

Il est des silences plus marquants que les mots. Pour la petite Christine, il a la forme repliée sur ses mains jointes d'une arrière-grand-mère qui n'en finit pas de pleurer en silence un mari porté "mort disparu " dans les tranchées de Verdun. L'enfance est passée, mais les questions demeurent.

En 1997, Christine Bussière entend par hasard un morceau de l'émission de Daniel Mermet sur France Inter: "Là-bas, Si j'y suis. La chanson de Craonne". Dès cet instant, elle n'a de cesse de comprendre, de savoir ce qui s'est passé "là-bas ". Elle remue ciel et terre, rencontre des historiens, des auteurs, dont Jean-Norton Cru qui considère "Mémoires d'un rat" comme la meilleure réflexion sur la guerre de 14-18. Christine se précipite pour l'acheter. Epuisé... Le seul exemplaire qui reste est une luxueuse édition, très coûteuse. Tant pis. Il lui faut ces "Mémoires d'un rat" publiées en 1917, au nez et à la barbe de la censure par un certain Pierre Chaine, directeur du Grand Guignol à Paris. C'est la révélation : le devoir de mémoire qu'elle se sent l'obligation de porter à la scène passera par le regard de ce rat des tranchées.

"Ça permet de prendre les gens par le rire pour les emmener vers le drame authentique "explique Alain Stach, comédien et complice de cette épopée. Le rat Ferdinand c'est lui.

 Eloge rendu par Willem  dans le "Libération "du 20 juillet 2000

Comment incarner un rat ? Etre crédible. Appréhension d'acteur...

Alain Stach commence à travailler avec une prothèse nasale : "On avait même prévu une longue queue flexible " se souvient Christine. Mais ce n'est pas satisfaisant. Trop anecdotique. Alain Stach observe des rats. Il note le mouvement vif des pattes antérieures. Il regarde ses propres mains, recroqueville ses doigts. Il ne lui reste plus qu'à ramasser la bouche sur des lèvres toujours en mouvement comme celles des rongeurs, et ça y est ! Il le tient "son" rat. Plus besoin de prothèse. Un maquillage d'ombres allongeant le visage et les doigts suffira.

L'adaptation théâtrale du texte
Le texte est fini. Christine Bussiere a condensé l'énorme ouvrage de Pierre Chaine… Elle y a intégré des extraits pris dans différents témoignages et, bien sûr, la célèbre chanson de Craonne dont les paroles subversives furent interdites de jusqu'en... 1972. Son auteur anonyme ne fut jamais dénoncé malgré les sanctions (conseil de guerre pour qui était pris à 1a fredonner) et les promesses de récompense et de démobilisation immédiate à qui le dénoncerait.

Pour Christine Bussière, qui signe aussi la mise en scène d'Alain Stach, ces "Mémoires d'un rat" sont une aventure unique. Portée par les autres, par "un tricot de rencontres" dit Christine.

Entre exutoire et réhabilitation :
la représentation devant les Généraux de la Chanson de Craonne

Ils ont joué à Verdun devant les colonels, directeurs du Mémorial. "J'avais l'impression qu'on allait être fusillé" se souvient Alain, Ils sont à nouveau invités à la rentrée. Ce spectacle, car c'en est un dans toute la noblesse du terme, suscite des réactions, des retours de mémoire chez les spectateurs. Ils se souviennent de ce qu'une grand-mère racontait, ou un grand-père rescapé de l'enfer. Alain Stach n'oubliera jamais cette spectatrice qui l'a embrassé à la fin de la représentation. En larmes. Elle était infirmière pendant la guerre d'Algérie. A cette époque, la chanson de Craonne était toujours interdite."

Mitzi GERBER pour le Dauphiné Libéré - Vaucluse
article du vendredi 28 juillet 2000

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