« Autrui » une abstraction juridique spécifiquement
française :
Le mot n’a pas de correspondant exact dans les autres langues indo-européennes, on le traduit par les autres (los otros, the others,) |
Autrui est un terme qui apparaît d’abord dans le vocabulaire juridique, Les lois de Guillaume le conquérant, et ce n’est pas un hasard : le propre de la loi est qu’elle envisage « les sujets en corps et les actions comme abstraites » ( Rousseau, Du contrat social ; livre II ; chap. VI). La loi ne statue jamais sur des actions ou des individus particuliers en tant que tels. Le terme « autrui » revêt bien le caractère de neutralité et de généralité propre aux textes de loi. Le droit codifie les relations entre sujets. Les lois établissent les règles d’association qui déterminent les devoirs et les droits de chacun. Elles permettent de gérer les conflits d’intérêt entre les parties. Autrui désigne les autres (que ce soit les autres membres d’une communauté ou, au sens large, les autres hommes en général) mais le terme est toujours utilisé dans une mise en relation.
L’usage du terme « Autrui » caractérise plus un mode de relation qu’un être au sens propre. C’est d’ailleurs ce que laisse entendre le fait qu’il ne soit ni un nom commun - il ne peut être précédé d’un article - ni un nom propre. Il désigne les autres dans une relation à un sujet, un vis-à-vis, un (autre) « je ». Autrui est toujours le terme d’une relation. Tout ce que l’on pourra dire de lui sera relatif à la relation et réversible, si la relation l’est aussi.
Autrui est le contraire d’un concept insulaire, son étude fait entrer dans le monde des interactions, des influences réciproques :
-avec des effets de miroirs ;-des réactions en chaînes ;
-des évolutions en spirale (au sens ou il n’y a pas de retour possible à la case départ…) .
La relation à autrui est modification de soi par l’autre et de l’autre par soi..
Cela nous conduira à remettre en cause la conception classique de l’identité subjective : il n’y a peut-être pas d’identité stable, mais une évolution et construction de soi permanente au contact d’autrui.
-par contestation et réaction ;
- non à la manière des choses ;
- ou des aliens (fantômes);
- ou des animaux.
Autrui est donc à la fois autre et semblable : c’est pour cela que l’on parle d’alter ego
*Sur quoi se fonde la reconnaissance de l’identité entre moi et l’autre ?
La question est stratégique puisqu’il y a eu des cas dans l’Histoire où l’autre ne fut pas reconnu comme semblable mais stigmatisé comme : « barbare ; sauvage ; sous-homme »…
L’étude d’autrui amène forcément à interroger les registres politiques et ethnologiques : comment une communauté reconnaît-elle les siens et les distingue-t-elle des autres ? Comment s’opère la partition entre les nôtres et les autres et comment cette discrimination imprègne-t-elle les rapports à autrui : Freud parle du Narcissisme de la petite différence.
*L’autre est-il irréductiblement autre que moi ? Si oui en quoi résiderait cette irréductible différence ?
Ou bien est-ce notre histoire personnelle de chacun qui nous distingue irréductiblement les uns des autres (les multiples influences qui nous ont imprégnés) ?